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L’Opéra de quat’sous

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De Bertolt Brecht . Musique Kurt Weill . Mise en scène Jean-Claude Fall

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L’Opéra de quat’sous est « une sorte de condensé de ce que le spectateur souhaite voir de la vie au théâtre ».
Un spectacle travesti ; une anti-opérette. Un spectacle-piège, où le spectateur bourgeois doit venir se prendre :
« Comme il y voit aussi différentes choses qu'il ne souhaitait pas y voir, comme il voit ses désirs (son goût pour les brigands, sa pitié pour les mendiants, son attrait pour le pittoresque) critiqués au moment où ils sont réalisés »
– ainsi il ne se perçoit plus comme sujet, mais comme objet – il se trouve amené – théoriquement de moins – à accorder au théâtre une fonction nouvelle.

Bernard Dort, Lecture de Bertolt Brecht - Editions Seuil

Il faut écrire une musique susceptible d'être chantée par des acteurs, donc des musiciens amateurs. Mais ce qui apparaît d'abord comme une limitation s'avère au cours du travail un enrichissement considérable. C'est la réalisation d'une mélodie compréhensible et évidente qui rend possible ce qui est réussi dans L'Opéra de quat'sous : la création d'un nouveau genre de théâtre musical.

Kurt Weill, Le Monde de la Musique - Octobre 1995

L’Opéra de quat’sous

Après Grand'Peur et Misère (du IIIème Reich) et L'exception et la règle, il y a  bien longtemps, j'ai longuement et assidûment fréquenté Brecht au travers d'ateliers, nombreux et tous passionnants, au détour de lectures et de déambulations par le théâtre allemand.

Depuis trois ans, j'ai l'idée d'un Opéra de quatre sous, vraiment de quatre sous. Marre de voir ces Opéras de quat'sous, chics, rutilants, endimanchés (L'Opéra de quat'sous ne nous viendrait-il plus de l'Opéra du Gueux). Je voudrais y remettre à l'ordre du jour les enjeux politiques de Brecht (on sait à quel point Brecht à cette époque était fasciné par l'idée anarchiste et à quel point cette fascination lui posait problème, comme plus tard l'idée communiste lui posera problème). Je voudrais pouvoir y interroger ce système narratif et de représentation, et mettre en valeur cette histoire d'amour ratée, l'histoire de Jenny et de Mackie (« Que Jenny m'ait dénoncé, cela m'étonne beaucoup » dit Mackie en guise de mot de la fin).

J'ai rêvé un spectacle avec quatorze acteurs tous possédant également une réelle expérience et pratique du chant, un trio de musiciens sur la scène avec eux, un décor de planches et de toiles, des éclairages intégrés au décor, bref un grand spectacle à installer partout. Il pourra se jouer dans un Théâtre, il pourra aussi se jouer dans une cour, un gymnase, une écurie ou une grange, un bordel ou une baraque foraine, un entrepôt… partout quoi.

Jean-Claude Fall

L'affaire du théâtre

Depuis toujours, l'affaire du théâtre, comme de tous les arts, a été de divertir les hommes.

Cette tâche lui a toujours conféré sa dignité particulière. Le plaisir qu'il procure est sa seule justification, à vrai dire indispensable et suffisante. Impossible de lui attribuer un rôle plus élevé, en le transformant par exemple en une sorte de foire à la morale : il courrait au contraire le risque de se dégrader, ce qui ne manquerait pas de se produire dès l'instant où il ne ferait plus de la morale une source de plaisir, et de plaisir pour les sens (obligation qui d'ailleurs ne saurait que profiter à la morale). On ne devrait même pas lui demander d'enseigner quoi que ce soit, sinon peut-être la manière de prendre du plaisir à se mouvoir, sur le plan physique ou dans le domaine de l'esprit ; mais rien de plus utilitaire. Car il importe que le théâtre ait toute liberté de rester quelque chose de superflu, ce qui implique, il est vrai, que l'on vit pour le superflu. Moins que toute autre chose les réjouissances ont besoin qu'on les justifie.

C'est ainsi que, selon Aristote, la tâche assignée à la tragédie par les Anciens n'est ni plus ni moins que de divertir les hommes. Quand on dit que le théâtre est sorti des cérémonies du culte, on affirme, et rien de plus, que c'est en sortant qu'il est devenu théâtre ; des mystères il n'a pas davantage repris la fonction religieuse, mais simplement le plaisir qu'ils donnaient aux hommes. Et la catharsis d'Aristote, cette purification par la terreur et la pitié, ou de la terreur et de la pitié, est une purgation qui non seulement était source de plaisir, mais devait donner du plaisir. En exigeant davantage du théâtre ou en lui reconnaissant un plus grand rôle, on ne parvient qu'à rabaisser les fins visées.

Même lorsque vous parlez de plaisirs « inférieurs » et de plaisirs « supérieurs », l'art vous oppose un visage de glace, car il souhaite se mouvoir dans les régions basses comme dans les régions élevées, et il veut qu'on le laisse en paix s'il peut ainsi réjouir les hommes.

Par contre, le théâtre peut réserver des plaisirs faibles (simples) et des plaisirs intenses (complexes). Ces derniers, que nous donnent les grandes œuvres dramatiques, atteignent leur plénitude un peu comme l'acte sexuel atteint sa plénitude dans l'amour ; ils sont plus ramifiés, plus riches de rapports, plus remplis de contradictions et plus lourds de conséquences.

Bertolt Brecht, Ecrits sur le théâtre - Texte français de Jean Tailleur, Gérald Eudeline et Serge Lamare - Editions L'Arche

Les Trois Enigmes

J'ai redécouvert L'Opéra de quat'sous en travaillant avec des acteurs dans le cadre d'un atelier. Pour moi, cette œuvre n'est pas seulement un assemblage de jolies chansons (que beaucoup connaissent sans même savoir qu'elles ont été composées par Kurt Weill). Ça n'est pas non plus seulement une satyre sociale et politique, sur la corruption, le pouvoir de l'argent, le banditisme. C'est une histoire très étrange entre Mackie et les femmes, thème qui traversera notamment la vie personnelle de Bertolt Brecht, et ses œuvres de jeunesse comme Baal, Tambours dans la nuit, La jungle des villes

Trois énigmes se sont présentées à moi.

Première énigme

Pourquoi Mackie déclenche t-il le processus qui va le conduire à la mort ? J'y trouve personnellement une relation surprenante avec le personnage de Don Juan.

Deuxième énigme

Pourquoi Jenny et les putains trahissent-elles de manière délibérée et à plusieurs reprises Mackie…? Mackie sait qu'elles vont le trahir. Et pourtant il se met en position d'être trahi, d'aller chercher sa mort, par défi ou par Fatalisme…

Troisième énigme

Qu'elle est la nature de la relation du couple Mackie-Polly ?

Je n'ai pas de réponse, mais j'ai des éléments qui ont été pour moi des pistes de travail.
Pour moi, le processus qui va conduire Mackie à sa propre fin, vient de sa fascination pour la Mort, mourir sera l'image violente de son dégoût de lui-même, il ira au bout de ses idées, il paiera ses dettes envers Jenny, envers la société.

Qu'est-ce que tuer un homme, comparé au fait de lui donner un travail rétribué.

Opéra de quat'sous, Acte III

Jenny chante La ballade du souteneur et on découvre qu'elle attendait un enfant de Mackie, qu'il l'a obligée à avorter. Cet enfant mort restera entre eux comme un reproche. Elle va le livrer à la police avec l'assentiment des putains. Il faut débarrasser le monde des Mackies. C'est une mission sacrée.

Dans le couple, Polly-Mackie, Polly est une figure de la Mort, elle met tout en œuvre pour que Mackie ne soit pas sauvé. Elle a quitté son père et sa mère pour suivre cet homme dont elle ne sait pas grand chose, elle l'aime d'un amour éloigné de tout calcul. Mais, son étrange mariage dans la grange, la violence de leur nuit de noces - Mackie la viole - l'amènent à cette terrible décision. Il doit mourir. Elle prendra par-là même et par le fait qu'elle va diriger ses « affaires » , la personnalité corrompue de son père.

Etrange destin pour cette jeune fille qui ose chanter à ses parents au moment de son mariage la Chanson de Barbara : vous avez fait de moi un être immoral.

J'ai désiré que Polly chante La fiancée du Corsaire, chanson écrite pour elle, contrairement à la tradition instaurée depuis l'interprétation de Lotte Lenya, qui jouait Jenny à la création et à qui Kurt Weill, dont elle était la femme, avait donné cet air comme un numéro indépendant dans la scène du bordel. En rétablissant l'ordre original, j'affirme sa force, sa détermination, sa révolte…

J'ai rétabli le texte original, j'ai joué avec le personnage de Lucie. Pourquoi avait-il disparu au moment de la création ? J'ai décidé, après avoir beaucoup hésité, que la même comédienne jouerait Jenny et Lucie : Jenny qui se vengera de Mackie, il l'a abandonnée, elle a dû avorter ; Lucie qui par jalousie va avouer une fausse grossesse, image de l'enfant, trahisons répétées de Mackie. Elles décident de le condamner, il faut aussi qu'il paye pour ça.

Cet Opéra de quat'sous chanté par des acteurs accompagnés d'un trio de musiciens relayé par un acteur, ce qui est exactement la formation choisie par Giorgio Strehler au Piccolo Teatro de Milan, me permet de ne pas tomber dans la grandiloquence de L'Opéra. C'était le vœu de Bertolt Brecht, un genre nouveau dira Kurt Weill.

Ainsi, dès le prologue, cette image d'une troupe itinérante qui va investir un lieu, qui le quittera… Image vivante et pourtant éphémère du théâtre.

« Un rideau pend devant ceci et cela, levons-le… »

Jean-Claude Fall, Entretien avec Valérie Bousquet et Véronique Mailliard

L’Opéra de Quat’sous
De Bertolt Brecht
Musique Kurt Weill
Mise en scène Jean-Claude Fall

Assistante à la mise en scène Véronique Mailliard
Décor Gérard Didier
Costumes Gérard Didier, Nathalie Trouvé
Lumières Jean-Claude Fall, Michel Le Borgne
Chorégraphie Lila Greene
Conseiller artistique Marc Marder
Chef de chant Dominique Muldowney
Texte français Jean-Claude Hémery

Avec

Olivier Angele (Mackie), Roxane Borgna (Jenny, Lucy), Patty Hannock (Mme Peachum), Jean Lorrain (Mr Peachum), Pierre Martot (Brown), Elodie Tisserand (Polly Peachum), Hélène Azéma (Un bandit, une prostituée), Laurence Brandi (Un bandit, une prostituée), Samuel Carneiro (Filch, un bandit, Smith), Anne Macina (Un bandit, une prostituée), Véronique Mailliard / Christel Touret (en alternance) (Un bandit, une prostituée), Flavio Polizzy (Jacob, un policier), Frédéric Razoux / Claude Champel (en alternance) (Un bandit, un policier), Steffan Romano (Matthias)

Musiciens

Ludovic Selmi / Gilles Nicolas (en alternance) (Piano), Claude Delmas (Contrebasse), Ghislain Hervet / Philippe Braquart (en alternance) (Sax, clarinette), Steffan Romano (Sax, banjo)

Création

Production Théâtre des Treize Vents / Centre Dramatique National de Montpellier Languedoc-Roussillon, Opéras de Montpellier, Printemps des Comédiens, Théâtre de la Cité / Théâtre National de Toulouse Midi Pyrénées, Les Ateliers Contemporains

L’Opéra de Quat’sous a été créé les 30 juin, 1er et 2 juillet 1998 dans le cadre du Printemps des Comédiens à Montpellier