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Histoires de famille

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De Biljana Srbljanović . Mise en scène Jean-Claude Fall

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Comment parler d’une société où la violence et la perversité sont devenues les réflexes de survie ? Biljana Srbljanović part de l’idée que les enfants disent ce que les adultes pensent. Elle met en scène quatre enfants qui jouent aux adultes. Malheureusement leur jeu est profondément marqué par la réalité.

Ubavka Zarić

Dans les décombres de leur maison, dans les décombres de la Yougoslavie, trois enfants jouent.
Ils refont les gestes et redisent les mots vus et entendus au sein de leurs familles. A leur manière d’enfants. C'est-à-dire crûment, cruellement et drôlement.
Survient une petite fille muette, sauvage et folle. On lui donnera le rôle du chien.
Histoires de famille rend compte des déchirements. Déchirements de la famille. Déchirements d’un pays.

Cette pièce de Biljana Srbljanović nous parle de nous, bien sûr, de nos guerres, de nos effondrements, de nos jeux, mais elle parle de tout cela dans le contexte du rêve yougoslave brisé.
Le rêve yougoslave, rêve de Balkans apaisés, rêve du triomphe de la volonté, de la raison, de la construction, du partage sur la folie guerrière des hommes.
Ce rêve yougoslave brisé, cette Yougoslavie explosée, cristallise, résume, symbolise notre fin de siècle/début de siècle calamiteux.

Après l’effondrement idéologique et économique du bloc communiste, on a l’impression d’assister au retour des refoulés : exacerbation des nationalismes, des égoïsmes, de la violence brute, refus radical des solidarités, du partage, rejet de l’autre, abandon à l’irrationalité, aux obscurantismes, aux fanatismes, affirmation radicale de la liberté individuelle comme valeur positive absolue, retour à la barbarie.

Biljana Srbljanović nous (se) rappelle de quel prix exorbitant nous payons ce rêve brisé.
Peut-être nous (se) demande-t-elle de mettre fin à nos jeux meurtriers et de redonner à nos enfants une réelle capacité, une réelle joie, à se projeter vers l’avenir.

Jean-Claude Fall, juillet 2005

La pièce

« Notre société se fonde, encore et toujours, sur la famille, et se reflète en elle », dit Biljana Srbljanović, dont l'une des pièces (montées dans l'Europe entière) est jouée pour la première fois en France. C'est ainsi que Histoires de famille fait l'état des lieux de la Serbie, nous en offrant une noire parodie familiale : le père, la mère, l'enfant et... le chien. Des histoires de famille créées de toutes pièces par des enfants, qui ont investi un terrain vague recouvert de décombres : ils jouent aux adultes, à « la famille serbe », reproduisant ce et ceux qu'ils connaissent sans doute le mieux, et les rôles ont été distribués, certainement depuis longtemps : Vojin s'est désigné comme « le Serbe, le chef de la maison », Milena est sa femme (qui n'a que le droit de se taire ou d'être battue) et leur fils Andria « joue » à désobéir, s'insurgeant timidement contre la tyrannie paternelle ; il rêve de se débarrasser une bonne fois pour toutes de ses terribles géniteurs (en réalité ses camarades de jeu) : la mère braillarde mais soumise et le père égoïste, avare et violent. Ainsi les parents se disputent, hurlent ou tiennent d'affligeants propos, l'enfant fantasme et joue à les tuer et le chien, lui (ou elle ?) attend un peu d'attention de la part de maîtres qui ont érigé le mensonge et la lâcheté en valeurs suprêmes.

Blandine Longre - Extrait sitartmag.com, février 2002

Vojin
Bien, mon fils, répète-moi ce que nous avons dit : comment un homme intelligent doit-il se comporter ?

Andria
Un homme intelligent respecte la règle : la tête dans le sable, le cul contre le mur.

Vojin
Exact. Et qu’est-ce qu’il ne doit pas faire ? Jamais et à aucun prix ?

Andria
Dire ce qu’il pense.

Vojin
Exact. Et à qui ?

Andria
N’importe ! A quiconque.

Vojin
A quiconque, mon fils, à quiconque. Le même comportement envers tous : je ne vois pas, je n’entends pas et surtout, tout spécialement et tout particulièrement : JE NE PENSE PAS. C’est bien ça ?

Milena
C’est ça, papa.

Andria
C’est ça, papa.

Vojin
Bien sûr que c’est ça. Et si c’est ça, pourquoi alors tu parles ?

Andria
J’ai pensé que je pouvais dire à maman que je n’aime pas la soupe.

Vojin
Tu as pensé. Et pourquoi tu as pensé ?

Andria
Parce que maman est une femme et parce qu’elle est plus faible.

Vojin
Bon, c’est exact. Mais ce n’est pas une excuse ! La vraie question, c’est : pourquoi as-tu pensé quelque chose ? Pourquoi devrais-tu penser quelque chose ? Pourquoi, dans l’absolu, quelqu’un devrait-il penser ? Et même, si jamais cette connerie se produit, s’il arrive que quelqu’un, par pur hasard, pense à quelque chose, pourquoi, je te le demande, POURQUOI devrait-il l’avouer ?

Vojin hurle, Milena et Andria se taisent.

Aucune preuve, aucune signature, aucune déclaration, aucune pensée. Je suis pressé, je travaille, je ne sais pas, je n’ai pas le temps, CE N’EST PAS MOI !

Vojin fait une pause et pèse chaque mot.

La vie est dure, Andria. Ta propre mère va te vendre pour un sac de pierres, de billes, de rubans ; ton père va te balancer, ton grand-père te dénoncer, ta sœur te moucharder, ton fils te revendre ! Combien de fois faudra-t-il que je t’explique ça ? Combien de fois faudra-t-il que je te le répète ?

Andria, Milena et Vojin, ensemble
Ne compter que sur soi-même ! Tête dans le sable ! Cul contre le mur ! L’homme est l’ennemi de l’homme.

Entretien Jean-Claude Fall et Catherine Robert

Jean-Claude Fall met en scène Histoires de famille, de Biljana Srbljanović, où des enfants jouent aux grands en mimant leurs petitesses. Un texte drôle, acerbe et violent, en écho à la déréliction du monde.

Catherine Robert

Cette pièce évoque la Serbie contemporaine...

Jean-Claude Fall

Ce n'est pas une pièce sur la Serbie mais sur la Serbie effondrée de l'après-communisme, au moment de l'écroulement du système. Dans un bac à sable, des enfants à l'abandon jouent aux parents. Chaque histoire qu'ils inventent se termine par le meurtre des parents. Il s'agit d'une pièce burlesque et à la fois très sombre, très tragique. L'intérêt, c'est de comprendre pourquoi les enfants tuent leurs parents systématiquement. Se jouent là le rapport entre parents et enfants, entre hommes et femmes, la question du despotisme familial, avec en plus quelque chose de spécifique aux pays de l'Est : la perte des repères idéologiques, philosophiques, pratiques et économiques qui fait que les enfants n'ont plus de relation positive aux parents. Par ailleurs, en filigrane, apparaît la spécificité de la Yougoslavie : comment peut-on devenir étranger dans son propre pays ? Il s'agit là d'une perte encore plus grave, celle de son identité. La façon qu'a Biljana Srbljanović de raconter si douloureusement l'effondrement du rêve yougoslave et l'effondrement du rêve communiste est capitale.

CR

Reste-t-il un peu d'espoir dans ce monde ?

JCF

La pièce se termine par le départ de l'enfant. Son départ tue ses parents mais il part. Est-ce que c'est un message d'espoir ? Je n'en suis pas certain. La réalité de l'après-communisme est prise entre espoir et désespoir : espoir d'une Europe à construire, d'un monde libéré des frontières mais désespérance face à l'économie libérale dévoyée, l'organisation mafieuse de la société. Entre les deux, se tient la vitalité de ces enfants. Quand on allait en Yougoslavie, cette fatalité du déchirement était déjà perceptible. Ce que j'espère, c'est que l'Europe en construction demeure le moyen de dépassement de cette fatalité.

CR

Quelle scénographie et quel jeu choisissez-vous ?

JCF

La scénographie est très liée à la pièce, comme inventée sur le tas, faite de bric et de broc, comme quand jouent les enfants. Entre une vieille caravane pourrie, un tas de sable remplacé par un tas de journaux froissés, des poubelles remplacées par une benne à ordures pleine de vieux journaux, des lectures polysémiques peuvent naître. Tout se passe dans un no man's land entouré de grillages, semblable à ce que j'ai vu dans les pays de l'Est : un terrain vague en même temps lieu d'habitation et aire de jeu. La scénographie est à la fois hyperréaliste et complètement déréalisée par certains éléments, comme par exemple l'omniprésence des journaux. Le jeu des comédiens est ultra vital, comme les enfants déploient énergie et vitalité, comme ils crient dans la cour de récré, sur un ton assez joyeux, finalement... Et par-dessus tout cela, une fanfare roumaine hurle à deux cents à l'heure... Le spectacle va au rythme du jeu des enfants, avec la cruauté et la violence de ces jeux-là.

Entretien réalisé par Catherine Robert, La Terrasse, 3 janvier 2007

Biljana Srbljanovic

Permettez-moi de me présenter : je suis un être humain dont on a volé l’identité. De moi, la seule chose que je puis affirmer avec certitude, c’est que je suis une femme, que je suis au seuil de la maturité et que j’habite l’Europe, à l’heure du changement de millénaire. Tout le reste est assez vague, indécis et opaque.

Biljana Srbljanović, discours à l’occasion de la remise du prix Ernst Toller, décembre 1999

Histoires de famille
De Biljana Srbljanović
Mise en scène Jean-Claude Fall

Scénographie Gérard Didier
Lumières Martine André, Jean-Claude Fall
Costumes Marie Delphin, Gérard Didier
Texte français
Ubavka Zarić, avec la collaboration de Michel Bataillon - L'Arche Éditeur

Avec

Roxane Borgna, Fanny Rudelle, Luc Sabot de la troupe du Théâtre des Treize Vents et Dominique Ratonnat

Création

Production Théâtre des Treize Vents / Centre Dramatique National de Montpellier Languedoc-Roussillon

Création octobre 2005, dans le cadre du festival Oktobre des écritures contemporaines à Montpellier